LE TROU

Il fait penser directement à l’enfer !

Pour casser un objet très dure, l’on utilise des cailloux, du granite. Mais que se passe-t-il s’il faut casser le granite lui-même ? Pour le découvrir, une équipe du mpap-news.net s’est rendue ce mois à l’association de la roche du kadiogo, située dans le quartier pissy de la ville de  Ouagadougou. 

Une vieille dame concassant du granite

Assis sous des semblants d’hangars fait à l’aide des tissus abimés, Nana Emilienne et Ouédraogo Marie, toutes des quinquagénaires, toutes marquées par le poids de l’âge et la dureté du travail.  Elles cassent le granite a longueur de journée sans se plaindre de quoique ce soit. « J’ai commencé ce travail il y a 10 ans et depuis, je suis ici de 08h à 18h. Je suis obligée de faire cela pour subvenir à mes besoins. Mes enfants sont grands mais ils se débrouillent aussi. Il n’y a rien de consistant. Quand tu fais ce travail, tu ne peux pas t’en sortir. C’est juste pour se nourrir » nous laissera entendre Nana Emilienne. Le travail se fait à la chaine. Le granite provient d’un immense trou situé à proximité. Il y a ceux qui creusent pour extraire les gros cailloux, et suivre ainsi la chaine infernale. Ouédraogo Marie se confie à nous « vous voyez ces granites, elles proviennent du trou que vous voyez. Des hommes y sont, ils extraient les gros cailloux, une fois extrait, il nous les vend. Il faut acheter, il faut encore payer pour que des gens les fassent sortir, après cela nous commençons maintenant à casser pour vendre ». Le trou dont elle parle est très grand à vue d’œil, et cela donne des vertiges aux visiteurs. Il fait penser directement à l’enfer (semblable aux descriptions que certains livres religieux en font) puisse qu’on semble y trouver toutes les monstruosités. Des pneus de véhicules, des fers souillés, des objets dont on ignore l’origine en plus de la fumée qui se dégage quotidiennement sans oublier la chaleur qui s’échappe. Mais malgré tous ces obstacles, des humains s’y retrouvent chaque jour. Non pas par vocation mais par nécessité. L’équipe du MPAP NEWS n’a pas pu accéder à l’intérieur dudit trou par refus de ceux qui y travaillent vue la dangerosité.  Plus loin, nous avons rencontré Simporé Adjara une jeune dame qui, elle aussi casse le granite pour subvenir à ses besoins. Pour elle c’est le prix du plat qui lui pose problème. C’est un récipient dans lequel il mesure le granite concassé pour revendre. « Après le calvaire que nous vivons, le prix du plat de granite ne nous satisfait pas. Alors que parfois, c’est très difficile d’avoir trois plats. En plus, le prix dépend des types de granites. Il y a ce qui est plus fin qui se vend à 500fcfa, le plat, les moyens à 400fcfa et les plus gros à 300fcfa. Nous ne pouvons pas nous en sortir mais grâce à cette activité, nous mangeons deux fois tous les jours »

Les difficultés sur le site

Quand on parle de difficultés, ce qui nous vient à l’idée se sont des complications suite à une situation donnée. Les « casseurs de granites » vivent permanemment cette situation et chaque saison a ses difficultés propres. Pendant la saison des pluies les activités ralentissent suite à des inondations sur le site. « Quand il pleut, le trou se rempli d’eau et ceux qui creusent peinent à faire leur travail. Du coup, les roches ne peuvent plus nous parvenir. Pendant cette période aussi les roches deviennent chères vue les difficultés d’extraction. » S’il fait bon vivre pendant la saison des pluies en dehors des inondations, le site rencontre des obstacles pendant les périodes arides. « Quand il fait chaud, nous souffrons beaucoup. Il n’y a pas d’ombre sur le site en plus il fait très chaud suite à l’échauffement des roches. Nous essayons de nous abriter sous des hangars mais parfois le vent les emporte car ce sont des hangars faits à l’aide des tissus délabrés » nous confie un casseur de roche qui se trouvait dans le trou.

Nous sommes tombés sur Monsieur Ouangrawa Elias, qui est chargé de l’achat du granite concassé et de les mettre en tas dans un endroit afin que l’acheminement par les camions soit facilité. Pour lui, chaque activité, comporte des difficultés, aussi infime, soient-elles. « Je suis ici chaque jour avec mon coéquipier pour récolter les roches mais tout ne se passe pas comme prévu. Il y a des gens qui essayent parfois de tromper notre vigilance. Il y en a qui donne 8 plats par jour et à la fin de la journée il demande le prix de 10 plats ». En plus de la question liée à la transparence, Elias Ouangrawa a parfois des accrochages avec les « casseurs de granite » suite à des problèmes de mesure. « Comme ils sont nombreux à emmener leurs plats, c’est très difficile de contrôler les mesures. Il arrive souvent qu’ils ne remplissent pas bien les plats et lorsqu’on n’est pas à coté, ils renversent et prennent leur argent » donc il y a des difficultés des deux côtés.

Du site de granite à l’Association de la roche du Kadiogo

Edouard Sawadogo est sur le site il y a plus de 30 ans. Mais depuis que le site s’est transformé en Association, il en est le premier responsable. Il a accepté de se confier à nous sans problème. « Au début, il n’y avait pas beaucoup de gens qui travaillaient ici mais à cause du chômage grandissant et les conditions de vie de plus en plus difficile, le site se peuple d’année en année » Pendant que nous nous entretenions avec le premier responsable de l’association, nous avons constaté qu’un groupe d’enfants, des élèves rejoignaient leurs parents sur le site. Nous avons voulu en savoir d’avantage. « A un moment donné, il y avait un nombre remarquable d’enfants sur le site. Des enfants qui n’ont pas l’âge d’aller à l’école ou ceux dont les parents n’ont pas les moyens de les envoyés à l’école. La présence des enfants nous inquiétait car les parents n’ont pas le temps de les surveillés et pourtant c’est un endroit très dangereux pour eux. Ils peuvent tomber dans les trous pleins d’eau ou dans les ravins profonds ». Cette inquiétude sera de très courte durée. Une association dont il a décidé de taire le nom est venu à leur rescousse. Mais ce bienfaiteur a décidé de prendre un nombre restreint d’enfants. « Ils ont décidé de prendre 250 enfants alors que nous avions plus de 700 sur le site. L’aide était insuffisante. Nous avons donc décidé de demander un appui auprès de la mairie qui a donc accepté d’agrandir notre centre. Avec une crèche qui compte plus 300 petits enfants. Aujourd’hui le centre compte plus de 1000 enfants et ses enfants ont des bourses et un centre de santé offert par une association étrangère ». Le président s’exprimait l’émotion dans la voix et cela était aussi une fierté pour lui. En plus d’être le premier responsable, il joue le rôle de médiateur. Dès qu’il y a des malentendus ou d’autres problèmes sur le site, il est chargé de régler rapidement cette situation. Après l’entretien fort riche, il a nous confié à une dame qui se fait appelée la cheffe des femmes. La soixantaine, elle a accepté de nous recevoir et cela sous un arbre. Mais d’abord, qu’en-est-il de la cohésion sociale sur le site de la roche du Kadiogo ? Justement, nous avons rencontré Tiemtoré Habidou pour en parler. Elle s’est présenté comme étant la responsable de toutes les femmes présentes sur le site depuis que le site s’est transformé en association.  « Je suis là depuis 30 ans mais maintenant j’ai cessé de casser les roches car j’ai vieillie. Je m’occupe de la bonne cohésion entre les femmes. Dès qu’il y a des situations qui se présentent, je suis celle qu’on appelle premièrement. Nous nous organisons comme nous pouvons. Il y a parfois des cotisations pour des évènements sociaux heureux ou malheureux » Madame Tiemtoré a lancé son cri de cœur pour les femmes du site. « Je voudrais demander à toute bonne volonté de nous aider, surtout les plus nécessiteux. Vous savez, il y a des femmes qui n’arrivent même pas avoir un repas par jour. D’autres sont toute seule ici elles n’ont personne pour les aider. Si vous avez des vivres pour ces personnes, elles seront les plus heureuses des malheureux » Désormais, il est évident maintenant que les belles constructions à base de granites proviennent des mains vulnérables des personnes battantes.

Par Marie Larbo OUEDRAOGO

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