Déplacés internes à Kaya

« Nous voulons apprendre des métiers pour préserver notre dignité », dixit Boukari Ouédraogo

Des milliers de personnes ont été déplacées à l’intérieur du Burkina Faso dans diverses localités à cause des attaques terroristes et des conflits intercommunautaires. Dans la région du Centre-Nord chef-lieu de Kaya, le nombre de personnes déplacées internes (PDI) est estimé à plus de 467 738 en avril 2021 et s’accroit de façon arithmétique. Un bien triste record où plusieurs personnes ont trouvé refuge sur des sites dans “la cité des cuirs et des peaux“. Aujourd’hui, ces personnes sont confrontées à d’énormes difficultés.

La situation sécuritaire, qui s’est dégradée au Burkina depuis 2015 et les conflits intercommunautaires, ont contraint de nombreuses personnes à abandonner leurs villages pour se réfugier dans des zones assez sécurisées.

Il est 17heures 30 sur le site de 38 villas de Kaya, zone d’accueil de déplacés internes. Des femmes vaquaient à leurs occupations. Trois hommes assis sous un hangar à moitié coiffé jouent au « waré » explosant des rires coriaces. De loin se tient le Poste de Santé communément appelé PSA. Boukari Ouédraogo, la quarantaine révolue, assis devant ses théières, contrôle l’entrée et la sortie de toutes personnes au poste. Dès notre arrivée à proximité de lui, il nous accueille avec un thé premier bien chaud.

Cette situation terrible, le natif de Bouroum précisément à Tougouri vers Dori, s’en souvient toujours. « Nous avons quitté la commune de Broum. Un matin vers 10 heures, ils sont venus nous attaquer. Quand ils sont venus, ils sont partis au poste des VDP, ils n’ont trouvé personne. Mais ils sont rentrés au marché tués trois personnes ce jour. Nous les avons enterrés. On s’est dit qu’il n’y aura rien. Quinze jours après, ils sont revenus tuant environ 30 personnes. C’est en ce moment nous avons tous quitté le village. On a marché dans la journée jusqu’à la nuit avec femmes et enfants. Ceux qui avaient des difficultés pour marcher ont dormi à 20Km de notre village », a-t-il expliqué les traits tirés d’angoisse. Le 17 juin 2019 lui, sa famille et plusieurs d’autres familles se sont retrouvés à Kaya. Ils essaient de s’adapter à leur nouveau mode de vie mais quelques difficultés existent.

Des vieux jouant au  »Waré »

Ce flux massif, a occasionné une surpopulation des zones d’accueils, rendant ainsi les conditions de vie de ces populations très difficiles, au regard de la précarité des infrastructures qui les accueillent. « Ici, une maison était destinée à 50 personnes. On vous met avec des personnes que vous ne connaissez pas et on vous dit de se débrouiller », a martelé Boukari Ouédraogo secrétaire général du comité des PDI du site. Pourtant, chaque villa est composée de deux chambres salon et cuisine.

Bien que des villas soient mises à leur disposition, le problème de logement demeure toujours une réalité. Cette situation oblige certaines PDI à occuper les non-lotie en location. « S’ils n’arrivent pas à payer, les propriétaires des maisons les fait sortir de la maison. On a vu ces cas ici à plusieurs fois », a-t-il regretté. Les déplacés de ce site, au nombre de plus de 50 000, n’ont pas manqué de soulever le problème de nourriture malgré le geste des bonnes volontés.

« Sur cent, on donne les vivres à dix personnes. Les autres doivent se débrouiller. Donc présentement on a un problème de nourriture », a-t-il déploré

Vue partielle du site des 18 villas

Côté santé, c’est Médecin sans frontière qui les rend grâce. C’est là que les PDI sont au maximum soignés. « On a un poste de santé de MSF qui nous aide beaucoup. Ils nous soignent gratuitement. Vraiment ils aident les gens. Il y a des sites qui sont loin des centres de santé mais pas ici », s’est-il réjouit. Seulement, soutient Boukari Ouédraogo, tous les sites qui sont à côté du poste de santé viennent ici pour se soigner. « Mais ceux qui sont un peu loin, pour venir, c’est un peu difficile. Ils n’ont pas un moyen de déplacement. Si un malade veut marcher de loin pour venir ici c’est compliqué, surtout avec les femmes enceintes. Pourtant, il y a des PDI qui parcourent une longue distance pour venir ici. Si on peut gagner une aide comme moyen de transport ce sera bien », a sollicité M. Ouédraogo.

Vers 18heures, un véhicule de MSF est venu se stationner devant le Poste de santé. Deux personnes arrivent et découvrent une jeune femme, déplacée interne, âgée environs 26 ans en difficulté. Elle a été en urgence transférée à l’hôpital de Kaya. Aux dernières nouvelles, elle a recouvert la santé et a regagné le site.

Autre problème majeur selon le responsable du site M. Ouédraogo, est qu’ils ne savent pas où aller et ne savent pas non plus quoi faire. La ville de Kaya est devenue, selon un habitant, une zone par excellence en termes de mendicité. Parmi eux, on compte de nombreuses PDI qui n’ont pas de ressources financières, pour avoir leur pitance quotidienne. Afin d’être autonome et préserver leur dignité, Boukari demande aux autorités de les former.

« On demande aux autorités de nous aider avec des métiers. Au moins un métier que notre femme, enfant, jeune puisse faire un peu pour être autonome et avoir de quoi à manger. Sinon présentement on dit que les gens donnent, mais ça ne nous suffit pas. Et si les donateurs coupent par la suite, qu’est-ce qu’on va faire ? Et puis le nombre des PDI augmente chaque jour ici à cause des attaques terroristes. Mais, si on gagne au moins un métier, chacun peut se débrouiller pour nourrir sa famille », a-t-il prôné.

Après les attaques du village de Bakari, le gouvernement a diligenté une base militaire sur les lieux. Mais, Boukari Ouédraogo ne veut pas y retourner tant que la situation sécuritaire ne sera pas résolue définitivement. « Nous voulons qu’il soit regardant sur l’aspect sécuritaire maintenant pour ne pas que la situation s’aggrave davantage », a-t-il recommandé.

En attendant, le secrétaire général du comité des PDI des 38 villas, Boukari Ouédraogo reste actif. Il est vigile devant le PSA de MSF où il est payé à plus de 50 000 F CFA le mois, avec une grande famille sous sa responsabilité.En rappel le comité est recommandé et est mise en place par l’Action sociale du Centre-Nord avec pour rôle de coordonner la distribution des vivres et autres aux PDI. Youssouf Kabdaogo

                                                                                                           

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